Le principal grief que je ferai à l'élevage en liberté, c'est que l'éleveur qu’il soit colombiculteur ou colombophile, n'est pas le maître de son élevage. Certes, il pourrait l'être s'il voulait s'en donner la peine et s'il organisait sérieusement son pigeonnier.
Mais justement, ceux qui pratiquent l'élevage en liberté ont choisi cette méthode pour s'occuper le moins possible de leurs oiseaux et les laisser "se débrouiller" comme ils l'entendent. Ils se contentent de leur jeter quelques poignées de grain matin et soir durant la mauvaise saison, le soir seulement pendant la période des récoltes. Puis, de temps en temps, ils vont cueillir un ou deux pigeonneaux prêts à quitter leur nid pour les diriger vers la casserole. Voilà ce que font à peu près la plupart de ceux qui élèvent des pigeons en liberté. Ce n'est, vous le voyez, ni fatigant, ni compliqué.
Examinons alors ce qui se passe lorsque les pigeons en liberté sont laissés librement à leurs propres initiatives.
Généralement, ils sont vite dégoûtés de leur pigeonnier ou du grenier qui leur est affecté pour en tenir lieu, car on oublie trop souvent de le nettoyer et d'y nettoyer les nids. Dès lors, ils cherchent à nicher ailleurs à l'intersection des grosses poutres des hangars ou remises, dans les trous de murs, aux coins des fenêtres perdues du haut de la ferme, souvent en des lieux difficilement accessibles.
Or le pigeon est un mauvais constructeur et ses oeufs sont quelquefois tenus en équilibre sur quelques fortes brindilles. Et comme il y a souvent bataille pour la possession de ces nids rudimentaires, il s'en suit pas mal de casse. Si les oeufs en réchappent, ce sont alors les jeunes qui sont mis à mal dans les bagarres.
De ce fait dû à la négligence de l'éleveur, les pertes sont nombreuses et c'est pourquoi le "rendement" en liberté est nettement moindre qu'en volière.
D'autre part, il y a parfois des femelles dépareillées qui parviennent à échapper à la casserole. Or vous savez que lorsque les reproducteurs ne sont pas groupés en couples bien appareillés, les solitaires ou célibataires amènent la perturbation dans les groupes. Les mâles sans femelles en mal de conquête vont déranger les femelles accouplées, les jeunes femelles sans mari sont l'objet de convoitises des mâles déjà pourvus qui délaissent alors leur "légitime" pour s'offrir une maîtresse. Et tout cela ne va pas sans de déplorables batailles entre les prétendants.
Il arrive aussi que des couples bien appareillés soient dépareillés parce qu'un chasseur bredouille s'est permis de "faire un carton" sur les pigeons de son voisin ou parce qu'un mâle s'ennuyant au logis, est assez fou pour entreprendre un voyage dans les environs où il a repéré une jeune veuve ou une belle vierge. Voyage d'où il ne reviendra pas soit qu'on l'adopte, soit qu'on mette fin à sa fugue en abrégeant ses jours.
On le voit, si l'élevage en liberté laisse de grands loisirs à l'éleveur, surtout parce qu'il en prend à son aise, il est plein d'aléas qui réduisent fortement la production. Et je ne parle pas des petites déprédations commises par les pigeons dans le jardin de leur propriétaire ou celui d'un voisin qui n’apprécie pas du tout.
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