vendredi 29 avril 2011

LA CONSANGUINITE CHEZ LE PIGEON




La consanguinité est considérée par de nombreux colombiculteurs comme une mala­die honteuse, à vrai dire très mal définie, mais qui sert souvent à expliquer ou à justifier les nombreux problèmes et échecs rencontrés dans l'élevage du pigeon. Il semble donc utile de démystifier cette notion, très mal comprise le plus souvent, et confondue avec tout autre chose.
Au sens génétique du mot, la consanguinité ou " inbreeding " en anglais, exprime tout sim­plement une parenté plus ou moins proche chez deux ou plusieurs individus dont on dit qu'ils sont d'autant plus consanguins que leur parenté est proche.
Il existe des méthodes classiques d'élevage et de sélection dans toutes les espèces fai­sant appel à cette technique, et consistant à accoupler pendant un certain nombre de gé­nérations successives : frères x soeurs, pères x filles, fils x mères. La consanguinité se trouve donc à la base de la création, de la standardisation et de l'amélioration de toutes les races animales. Examinons les avantages et les inconvénients qui peuvent en découler.
On sait que tous les caractères morphologi­ques (couleurs, formes etc ... ) ou physiologi­ques (prolificité, aptitude au nourrissage des jeunes, tempérament calme etc... ) sont gou­vernés par des gènes ou unités héréditaires, localisés sur les chromosomes ; chaque ca­ractère pouvant être régi par un ou plusieurs gènes. Par exemple, la couleur argentée (sil­ver) est due à la combinaison de plusieurs gènes : bleu pour la couleur de base, dilution pour la couleur atténuée, patron (ou marque­modèle) pour les barres notamment.
Chaque cellule, à l'exception des cellules sexuelles (ovules ou spermatozoïdes) portant deux chromosomes semblables, chaque gène existe donc en double dans toutes les cellu­les, sauf toutefois ceux portés par les chromo­somes sexuels chez les femelles des oiseaux, car celles‑ci ne possèdent qu'un chromosome sexuel actif au lieu de deux chez le mâle.
Or, les gènes conditionnant un caractère donné, occupent toujours la même position sur le chromosome, mais leur nature, donc leur expression, peut être différente. En effet, ils peuvent, suivant leur manifestation, être dominants et on leur affecte une lettre symbo­lique majuscule, ou récessifs et ils n'ont droit alors qu'à une minuscule ; le terme « récessif » signifie simplement : dominé.
Un exemple simple permettra de mieux comprendre : chaque éleveur connaît les pi­geons huppés chez lesquels une touffe de plumes redressées en arrière de la tête, donne parfois des effets très gracieux. Ce caractère est gouverné par un seul gène ; c'est donc un caractère monofactoriel. Les américains qui les premiers, en ont étudié l'hérédité, l'ont dénommé " crest " traduction anglaise du mot huppe, et ont démontré qu'il était lié à la présence d'un gène récessif qu'ils ont symbolisé par " cr ".
Tous les pigeons huppés ont donc deux exemplaires de ce gène "cr" ; ce gène réces­sif a un correspondant dominant que l'on dési­gne par + , qui signifie tout simplement ab­sence de huppe, et s'il existe sur un des chro­mosomes à la place d'un " cr", il domine donc et empêche l'expression de " cr " et en même temps de la huppe.
On dit que notre pigeon huppé a pour for­mule génétique cr cr ; par contre, on le com­prend immédiatement, un pigeon d'aspect normal, non huppé, peut avoir deux formules distinctes : soit + + et l'on dit qu'il est homozy­gote dominant vis à vis du caractère huppé, soit + cr et il est alors qualifié d'hétérozygote ; tout pigeon huppé est naturellement homozy­gote récessif cr cr. Le terme homozygote si­gnifie que les deux gènes concernant un même caractère sont identiques, tandis que le terme hétérozygote signifie que les deux gè­nes concernant un même caractère sont diffé­rents. Ainsi, il peut apparaîÎtre dans un éle­vage, un pigeon huppé, alors qu'aucun repro­ducteur porte une huppe. Cela veut dire donc que les parents de ce pigeonneau sont tous les deux porteurs du facteur huppé, c'est à dire qu'ils sont hétérozygotes pour ce facteur (formule + cr).


Ce bref rappel indispensable étant assimilé, revenons à notre consanguinité. De même que la huppe, de nombreux autres caractères récessifs peuvent donc être portés par des in­dividus qui ne les extériorisent pas (hétérozy­gotes), en particulier les caractères défavora­bles qui, s'ils se manifestent, provoquent des anomalies morphologiques ou physiologiques entraînant la mort de l'embryon, dans un temps assez court ; ces caractères sont appe­lés léthaux si l'embryon meurt avant l'éclosion, ou subléthaux si le pigeonneau survit quel­ques jours.
Si par hasard, et si rien ne permet de le laisser deviner à l'avance, un ou plusieurs su­jets d'une race donnée, possèdent ces carac­tères léthaux, on comprend qu'ils puissent les transmettre à leurs descendants, fils ou filles. Si l'on recroise ensemble ces descendants, il est clair, sans qu'il soit besoin de réexpliquer les lois génétiques, que de temps en temps, au hasard des accouplements, on aurait re­combinaison de deux gènes récessifs léthaux, ceux qui n'existaient qu'à un exemplaire chez les parents, et il s'ensuivrait la mort de l'em­bryon. Plus on prolonge la filiation des indivi­dus porteurs, autrement dit, plus on en tire de descendants, plus on multiplie la probabilité, donc le risque de ces combinaisons mortelles dans les accouplements des enfants et des petits enfants.
Or, la consanguinité consiste à réaccoupler entre eux des sujets parents au fil des géné­rations. Il est évident qu'elle peut aboutir à une proportion appréciable de mortalités em­bryonnaires, d'anomalies ou monstruosités, elles aussi parfois gouvernées par des gènes récessifs. Mais ceci à la condition expresse que ces facteurs léthaux ou générateurs d'anomalies soient présents chez les individus de départ. Ceci explique les avis contradictoi­res et les controverses passionnées entre les amateurs de pigeons, certains ne jurant que par la consanguinité, et d'autres la vouant aux gémonies avec le même acharnement. Ils ont tous raison, Ies chances de réussite résidant dans la formule génétique, inconnue bien sûr, de la souche de départ.
Mais pourquoi alors, direz‑vous, ne pas évi­ter ces croisements consanguins, et s'en tenir à des accouplements entre individus non pa­rents ? Et bien, parce que cette méthode ne comporte pas que des inconvénients, mais elle est aussi très riche de possibilités ; c'est même la plus rapide des techniques de sélec­tion pour certains caractères. On comprend aisément qu'avec un couple donnant une forte proportion de jeunes très bien conformés, ou d'un coloris de qualité, on ait beaucoup plus de chances de fixer ces caractères en accou­plant entre eux les enfants qui en sont por­teurs de façon évidente. Ceci est valable aus­si bien pour la couleur, que pour les dessins du plumage et la productivité (ponte, éclosabi­lité, vitesse de croissance, etc ... ).
Les colombiculteurs soucieux d'améliorer tel ou tel caractère de leur race favorite, ont donc tout intérêt à utiliser cette méthode, c'est-à-dire à recroiser entre eux les jeunes qu'ils ju­gent les plus beaux, voire à faire des accou­plements mère x fils, ou père x fille. Si par chance, leur souche de départ ne porte pas ou peu de caractères défavorables, ils arrive­ront très vite au résultat souhaité, sans acci­dent. Dans le cas contraire, ils devront s'arrê­ter dans cette voie, dès l'apparition des com­binaisons indésirables, et rechercher dans une autre souche des sujets qu'ils jugeront convenables et qui auront toutes les chances eux, de ne pas porter ces mêmes gènes lé­thaux, et générateurs d'anomalies. Comme nous le disions plus haut, on ne peut au dé­part, avoir aucune certitude quant à la compo­sition génétique de la souche d'origine, et à ceux qui se plaindraient de ne jamais avoir de certitudes, il faut répondre que rien n'est plus monotone que les certitudes, et que rien n'est plus emballant que l'espoir.

N'ayez plus peur de la consanguinité, mais apprenez à vous en servir.

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